Asleep ♪ [Eden L. MacLenan]

Barbant. Ce fut le seul mot qui vint à l’esprit de notre bonhomme. Son cours de Maths avait finalement touché à sa fin et ce n’était pas trop tôt ! Enfin cours de Maths, leur professeur leur avait surtout expliqué pendant 1heure tout ce qu’ils allaient faire tout au long de l’année, du moins pour ceux qui l’écoutaient. Autant dire qu’être absent pour cette heure-ci aurait été tout aussi semblable. A croire que les enseignants aimaient perdre du temps inutilement. Au moins les étudiants pouvaient en profiter pour glander. Par contre le prof qu’ils avaient cette année était comment dire… assez spécial. En fait il ressemblait plutôt à un savant mélange entre un panda et le Père Noël coupé d’un nain de jardin avec une voix d’ogre. Autant dire que c’était un drôle de spécimen.

Le rouquin lâcha un bâillement avant de s’étirer. Il était crevé. D'ailleurs les petits cernes violacés sous ces prunelles noisettes pouvaient en témoigner. En même temps en veillant jusqu’à pas d’heure, il était normal qu’il somnole toute la journée. C’était bien fait pour lui dans un sens. Mais faut dire qu’il n’avait pas spécialement envie de rester dans sa chambre avec les colocataires qu’ils avaient…

BRRRR. Son estomac fit un tel bouquant que même notre bonhomme fut étonné. Il avait faim, et son organisme ne manquait pas de lui faire remarquer. C’est donc les mains dans les poches de son jean qu’il se dirigea vers le réfectoire, son sac sur l’épaule droite. A peine 12h17 mais le self était pourtant déjà bien rempli au plus grand désarroi de Warren. Entre les gamins de 12ans qui s’amusaient à se pousser entre eux et les filles qui jacassaient comme des pies, il commençait à en avoir plus que marre. C’est pourquoi, à bout de patience, il n’hésita pas une seule seconde et leur passa devant les ignorant malgré leur mécontentement. *Rooh fermez là.*

Son plateau dans les mains, il prit tout ce que proposé le réfectoire histoire d’être bien repu. Un vrai goinfre ! A se demander où il met tout ça… Plissant les yeux, il balaya la salle du regard cherchant une table où il pourrait être tranquille et où personne d’autre n’était assis. Il n’avait pas spécialement envie d’entendre d’autres élèves jabotaient sur les derniers potins de Worthington ou tout autre blabla. Cela ne l’intéressais pas de savoir que un tel avait trompé sa copine avec la meilleure amie de du cousin de sa pote qui se trouvait être son ex ou que le prof de musique avait piqué une crise de colère contre un tel en plein cours. Non, il s’en foutait complètement.

Après quelques instants passé un milieu du self, il trouva enfin où manger en paix et se dirigea d’un pas ferme vers une table située au fond, à côté d’une fenêtre. S’installant sur la chaise, son sac sur une autre il commença à manger le regard quelque peu perdu dans les feuillages des arbres à l’extérieur...

Warren, mon cher Warren, ne remarquais-tu donc pas qu’une demoiselle s’était invitée à ta table ? Il faut croire que non…

Le regard toujours viré vers l’extérieur, le rouquin était comme obnubilé par le mouvement des feuilles poussées par le vent. Son esprit était complètement vide, ne pensant à rien d’autre qu’aux rainures bougeant en rythme. En fait, à ce moment là, il ressemblait plus un hybride malade mental/zombie qu’autre chose. La fatigue vous donne malheureusement bien souvent cet effet là : beuguer sans vous en rendre compte. Par conséquent, il ne fit même pas attention quand une autre étudiante vint s’assoir face à lui, à sa table. Cette même table qu’il avait eu du mal à trouver. Cette même table, qui avant lui, était délaissée par les autres élèves.
Lui qui avait prié pour manger en paix, c’était fichu… Mécaniquement, notre bonhomme tourna sa tête vers son interlocuteur quelque peu surpris qu’on s’adresse à lui. La plus part des étudiants le connaissant lunatique et froid évitaient de venir vers lui ne sachant pas comment il allait réagir ce jour là. Bien sûr il y avait des exceptions, la preuve. Sa mine étonnée s’effaça et il resta silencieux détaillant grossièrement la jeune fille. Des cheveux étonnement verts, des traits infantiles, une taille petite, bien plus petite que lui. En somme elle ressemblait à une enfant qui s’était amusé à faire des expériences sur sa chevelure. Très extravaguant. Finalement il se décida à lui répondre :


Son ton plus doux qu’il l’aurait voulu, sonna faux avec ses sourcils froncés. Probablement à cause de sa somnolence. Il se remit à manger, entament à présent sa deuxième entrée, et ignora royalement la petite. A vrai dire, il n’espérait qu’une chose : qu’elle parte et le laisse tranquille. Il n’avait pas la force pour débattre sur quoique se soit ou s’énerver, il souhaitait simplement que cela la fasse déguerpir d’ici. Mais visiblement elle n’était pas de cet avis puisque même après quelques minutes de silence froid ce drôle d’oiseau se trouvait toujours face à lui. *Mais elle comprend rien ou quoi !?* Warren soupira. Il ne voulait pas lui dire de dégager mais lui faire comprendre sans avoir à utiliser la parole. Si elle n’était pas stupide, elle sentirait très clairement que sa présence contrarié notre rouquin. Capricieux ? Non, juste un peu…

Une vraie sangsue. Voilà ce à quoi lui faisait penser cette gamine aux cheveux excentriques. Cet espèce d’insecte indésirable difficile à vous débarrassez quoique vous fassiez. C’est fou ce qu’elle pouvait y ressemblait, du moins dans un sens, parce qu’elle ne lui sucer pas le sang. Encore heureux j’ai envie de dire. Pauvre Warren, il ne devait pas voir l’habitude de se faire tenir tête, bien que certains élèves n’hésitent pas à le faire.

« Rien, mais tu vas grossir. Dommage pour toi ! »

Le rouquin ne prit même pas la peine de lui répondre. Qu’il grossisse ou non, c’était son problème, pas le sien. Puis, il faut l’avouer, vue le corps qu’il possédait, il avait encore de la marche avant qu’une couche de graisse n’apparaisse. Il pouvait donc se permettre de manger pour deux voire même trois. Bon, il ne faut pas non plus abuser. Enfin bref. Il se concentra sur son assiette, faisant abstraction du brouhaha des élèves qui les entouraient. La pause déjeuné ou le meilleur moment pour se raconter les potins du pensionnat. Chose qui exaspérait Warren. Si les étudiants n’étaient même pas capables de se mêler de leurs affaires avant de critiquer ils n’iraient pas bien loin dans la vie. Du moins c’est ce que penser notre bonhomme. Parce qu’il vaut mieux se soucier un minimum des autres pour progresser…

Une mélodie parvint jusqu’aux oreilles du jeune homme brisant ainsi son silence intime. Il ne lui fallut que quelques secondes pour comprendre que le son provenait de la demoiselle face à lui. Il la regarda, un sourcil arqué, perplexe qu’elle se mette à chanter dans un tel endroit. *Elle cherche à faire son intéressante en montrant qu’elle chante bien ou quoi ?!* Pourtant, malgré le fait qu’il trouvait son acte assez culotté, l’étudiant appréciait la mélodie. Son expression de mépris s’atténua et ses traits se détendirent quelque peu. Il ne voulait pas montrer que cela lui plaisait. C’était un peu plus doux que ce qu’il avait l’habitude d’écouter mais tout aussi agréable.

CRAAAASH. Warren tourna vivement la tête vers l’origine du bruit. Une élève qui venait de faire tomber son plateau brisant par la même occasion verre et assiettes. Tout le réfectoire s’était arrêté pour la contempler, il n’y avait plus un bruit. On pouvait très bien lire la honte sur le visage écarlate de la gaffeuse. Elle faisait pitié à notre grognon mais ce n’est pas pour autant qu’il se leva pour l’aider…
Retournant finalement son regard vers la petite tout en reprenant son masque de froideur, il lui lança :

« J'ai pas finit non. Et t'as un problème peut-être ? Y'a ton nom nulle part ici alors j'ai pas à dégagé. »

La petite changea du tout au tout. Son humeur si joviale qui irritait notre bonhomme s’était envolée laissant place à un regard noir. Dans un sens, il était normal qu’elle réagisse de cette façon. Warren se montrait tout sauf aimable avec elle alors qu’elle n’avait rien fait. Mais pas aux yeux du rouquin. Tête de cochon quand tu nous tiens… Même si avec lui, M. Grognon est pratiquement présent tous les jours. S’il est de bonne humeur, c’est qu’il y a anguille sous roche. Bon, bien sûr il peut être charitable pour une raison quelconque mais ceci est plutôt rare à vrai dire.

Malgré la réplique sanglante de la demoiselle, Warren ne broncha pas. Au contraire, il soutint son regard lui renvoyant avec la même intensité. Son problème ? C’était elle. Cette gamine qui s’était invitée à sa table sans même demander la permission et qui ensuite s’était mise à chanter au beau milieu du repas comme si de rien n’était. C’est pas la foire ici ! Certes son nom ne figurait pas à cet emplacement –encore heureux–, mais quand même. La moindre des politesses aurait été de demander, bien que la réponse aurait très certainement été négative. Même s’il faut avouer que parler de politesse avec Richardson est un peu un comble, si je puis dire…

Ils restèrent ainsi, se fixant dans les yeux, pendant quelques minutes, comme pour savoir qui allait baisser les yeux en premier. Notre grincheux prit une profonde inspiration. Il devait prendre sur lui. Cette petite avait l’air bien décidé à squatter sa table pour le restant du repas et pas question pour lui de partir. Il avait sa fierté. Puis en y repensant, c’était lui qui s’était montré agressif en premier. Normal qu’elle lui réponde sur le même ton. Ses prunelles toujours fixées sur celles de la jeune fille, il s’adressa à elle d’un ton came et tout aussi froid qu’à son habitude :


Fallait pas non plus qu’elle croie que s’était une victoire complète pour elle. Sinon elle le collerait très probablement et fini la tranquillité de Monsieur.