Parlons cheveux [PV]

Messages : 130 Date d'inscription : 31/08/2012

PARLONS CHEVEUX
car le cours est d'un ennui mortel

« Shankara ! Va t’asseoir à côté de Naomi. »

C’était tombé comme un couperet, coupant le jeune homme dans son occupation du moment. C’est à dire, lancer de minuscules boulettes de papier, d’une pichenette, sur son voisin qui lui répondait volontiers. Ils pensaient tous deux être discrets, planqués dans le fond de la classe. Et jusque-là, le professeur ne leur avait fait aucune remarque. Pas même un coup d’œil. La leçon se déroulait sans que personne ne semble être dérangé par les deux garnements, qui si parfois riaient ou échangeaient deux ou trois mots, le faisaient à voix basse. Hélas, aucun ne possédait le don d’invisibilité ou celui de se faire oublier et tous deux avaient la réputation d’être turbulents quand le cours ne les passionnait pas. Et vraiment, les grandes évolutions de l’après-guerre, cela ne parlait aucunement aux deux grands gamins.

Shankara ne se fit pas supplier, juste eut-il un profond et sonore soupir. C’était quelque chose d’assez habituel ; il arrivait qu’on doive le changer de place trois ou quatre fois dans la même heure pour arriver à ce qu’enfin, il se tienne tranquille. Ou sinon, une solution radicale était prise : on le boutait hors de la salle de classe. Toutefois, les professeurs semblaient avoir quelques réticences à faire cela. Par ses questions et ses réponses le métis amenait souvent du contenu au cours et il n’hésitait pas à dire quand quelque chose lui restait incompris. Et bien souvent, quand Shankara ne comprenait pas, personne dans la classe ne comprenait. Bref, l’adolescent n’était aucunement jugé comme un élément perturbateur désagréable. Jusque que le canaliser était parfois un chouïa difficile.

« Plus vite, Shankara. » « Oui, oui ! » C’est que toute la classe s’était arrêtée, pour le regarder lentement ramasser ses affaires (mais il laissa néanmoins les boulettes sur sa table), se lever et se diriger vers là où se trouvait sa voisine désignée. Shankara ne s’était jamais retrouvé assis à côté de la demoiselle, qui souvent était placée à côté d’une connaissance à elle. Que s’était-il passé ? Fronçant les sourcils mais ne posant aucune question, l’hindou finit par tirer la chaise, doucement, et posa son popotin dessus. Puis tous reposèrent leurs yeux sur le professeur, tandis que Shankara finissait de s’installer.

Une feuille de papier avec à peine trois mots notés dans la marge, le reste étant occupé par des gribouillis géométriques. Cela remplissait toute la page, adoptant un rythme régulier reposant. Il avait même fait varier l’épaisseur de son trait pour donner du relief. C’était à se demander ce qu’il faisait en cours ; l’adolescent donnait l’impression de pouvoir très bien s’en passer.

Toujours bon camarade, il sourit innocemment à sa nouvelle voisine. Naomi. Une fille que beaucoup critiquaient, parce qu’elle semblait capricieuse et hautaine. Toutefois, Shankara connaissait beaucoup d’individus exécrables qui, en réalité, étaient adorables.

« Eh ! On a presque la même couleur de tifs ! » dit-il tout bas. Sa main agita sa propre toison, pour focaliser le regard de l’adolescente sur le sommet de son crâne où s’entremêlaient des mèches d’un bleu chimique à un blond décoloré. Non, ce n’était pas parce qu’on l’avait changé de place qu’il allait se tenir à carreaux ! Le mettre à côté d’une camarade si mignonne réveillait en lui de grands intérêts.

thank you april (myfairtardis)

Messages : 38 Date d'inscription : 01/09/2012 Age : 28

Parlons Cheveux•

11h56. Naomi avait soupiré légèrement après avoir regardé l’écran de son portable. Le professeur était tellement occupé à déblatérer qu’elle pouvait presque le poser sur sa table. Mais de peur de se le faire prendre, elle le rangea dans sa poche. Avec un nouveau soupir, elle posa son menton sur sa main gauche. De l’autre main, elle tenait son stylo qui se remit à gratter sur sa feuille de cours. Elle avait beau s’ennuyer à en mourir, il fallait qu’elle suive un minimum. Sinon elle ne s’en sortirait jamais.
Comment il veut qu’on suive s’il ne s’arrête pas de parler ?
Abandonnant un instant, elle tourna la tête vers la fenêtre. Même le temps avait l’air de s’ennuyer. Tout gris. Même s’il ne faisait pas vraiment froid. Une petite promenade dehors ne serait donc pas désagréable. Déjà fallait-il sortir d’ici. Combien de temps s’était-il passé depuis la dernière fois qu’elle avait regardé l’heure ? Au moins 15 minutes. Si ce n’est 20. Avec espoir elle ressortit son portable et appuya sur l’écran pour l’éclairer. 12h07. Le sort s’acharnait. Enfin plutôt le prof s’acharnait. Et Naomi était perdue dans ses explications, qu’elle avait cessé de comprendre et de suivre, quelques minutes auparavant.
Faites-le arrêter … Juste un peu, j’en peux plus …
Son vœu, sa prière ou quoi que ce soit d’autre, avait été entendu.
« Shankara ! Va t’asseoir à côté de Naomi. »
Certes, le prof s’était arrêté pour regarder le jeune homme. Mais il ne le ferait pas longtemps. Mais après tout, c’était ce qu’elle avait demandé pas vrai ? Alors elle n’allait pas se plaindre. Comme pour illustrer ce que pensait Nao’, l’enseignant enchaîna.
« Plus vite, Shankara. »
« Oui, oui ! »
Et celui-ci, massif, vint s’installer à côté d’elle. Justement le jour où elle n’avait voulu personne à ses côtés pour qu’elle puisse suivre le cours. Quand quelqu’un était à proximité, elle ne pouvait s’empêcher de lancer la discussion sur quelque chose. N’importe quoi. C’était qu’elle trouvait toujours quelque chose à dire. Une vraie fabrique à paroles. Mais là elle ne savait pas quoi dire. C’était rare. Mais justifié. Shankara était disons … Assez grand, baraqué … Le genre d’homme qui n’inspirait pas confiance à Naomi. C’est pour ça que pour le moment elle évitait de le regarder. Juste fixer le tableau, faire semblant d’être concentrée sur le cours, ne pas vouloir lâcher les explications qui avaient reprises. Mais rien que sa feuille et ses notes brouillonnes la dénonçaient. Et puis ce n’était pas ça qui fit renoncer le jeune homme.
« Eh ! On a presque la même couleur de tifs ! »
Tournant enfin la tête vers lui, elle jeta un coup d’œil à ses cheveux, qu’il lui montrait. Exact. Ses cheveux à lui avaient des traces de bleu. Pas vraiment la couleur de ceux de Naomi mais c’était presque ça, comme il l’avait souligné. Et avec un grondement sonore, son ventre se fit remarquer. Exactement comme sa propriétaire, il avait besoin de se faire entendre. Le rose aux joues, elle posa une main sur son ventre et fit la grimace.
« Je crois que j’ai faim. »
Mais quelle remarque pertinente Nao’. Non vraiment. On ne se serait pas douté si tu ne l’avais pas dit. Avec un léger rire et un mouvement de la main pour passer à autre chose, elle lui répondit. Sa méfiance oubliée.
« Ils sont cools tes ch’veux. Même si je préfère la couleur des miens. Enfin c’est normal je crois. Tu dois aussi préférer les tiens. »
Elle s’était penchée vers lui pour pouvoir parler doucement. Ne voulant pas attirer l’attention du professeur. C’était fini. Son attention était définitivement détournée du cours.

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